Les Athéniens, comme on le sait, ont leur propre forme de chanson urbaine, le rebetiko (ρεμπέτικο), d’apparition plus récente que le fado d’environ un siècle, mais né comme lui dans des quartiers pauvres de villes portuaires.
Autre analogie avec le fado : le rebetiko s’accompagne du bouzouki (μπουζούκι), un instrument de la famille des cistres comme l’est la guitare portugaise. Seulement son manche est plus long, il comporte moins de cordes et il se joue avec un plectre, ce qui lui donne un son assez différent.
Je ne suis pas compétent quant au rebetiko, n’en ayant qu’une connaissance superficielle et extrêmement lacunaire. Il me semble que la sonorité du bouzouki, plus sèche que celle de la guitare portugaise, influe sur le style du chant, très orné comme l’est le fado, mais faisant peu ou pas usage du rubato, cette élasticité expressive de la ligne vocale par rapport au rythme, typique du fado. Ou bien, plus simplement, c’est l’origine orientale du rebetiko — qui est né au sein des populations grecques d’Istanbul et de Smyrne — qui explique cette différence.
Cette chanson, Synnefiasméni Kyriakí (Συννεφιασμένη Κυριακή), en français Dimanche nuageux, est connue de tous les Grecs, par cœur. Écrite et composée en 1943 par Vassílis Tsitsánis (Βασίλης Τσιτσάνης) (1915-1984), ses paroles évoquent l’entrée des troupes allemandes d’occupation dans Athènes, le dimanche 27 avril 1941.
Συννεφιασμένη Κυριακή, μοιάζεις με την καρδιά μου
που έχει πάντα συννεφιά, συννεφιά
Χριστέ και Πα-, Χριστέ και Παναγιά μουΕίσαι μια μέρα σαν κι αυτή που ’χασα την χαρά μου
Συννεφιασμένη Κυριακή, Κυριακή
ματώνεις την, ματώνεις την καρδιά μουΌταν σε βλέπω βροχερή, στιγμή δεν ησυχάζω
Μαύρη μου κάνεις τη ζωή, τη ζωή
και βαριανα-, και βαριαναστενάζω
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Dimanche nuageux
Tu ressembles à mon cœur
Toujours assombri
Ô Christ et Sainte Mère !Tu es comme ce jour
Où j’ai perdu ma joie
Dimanche nuageux
Tu fais saigner mon cœurDe te voir pluvieux
Ne me donnes de repos
Tu me fais la vie noire
Et je soupireSynnefiasméni Kyriakí / Sotiría Béllou, chant ; Vassílis Tsitsánis, paroles et musique.
Traduction française : Tous aux Balkans.
L’enregistrement date probablement de 1971. La chanteuse, l’extraordinaire Sotiría Béllou (Σωτηρία Μπέλλου) (1921-1997) à la voix si puissante et agile, est l’une des vedettes du genre. En réalité, c’est pour en arriver à elle que j’ai entrepris cette série un peu longue sur la Grèce. À en croire le peu de renseignements qu’on trouve sur elle, outre qu’elle était une très grande chanteuse, elle était connue pour son engagement dans la résistance contre l’occupant allemand, sa forte personnalité, de même que son penchant pour l’alcool et le jeu (cf. l’article de Wikipedia).
La voici à nouveau, interprétant une chanson de Mános Hadjidakis (Μάνος Χατζιδάκις) (1925-1994) dans un enregistrement des années 1970, interrompue assez abruptement juste avant la fin :
Eímai aitós horís fterá (Είμαι αϊτός χωρίς φτερά) / Mános Hadjidakis (Μάνος Χατζιδάκις), musique ; Eftihía Papagiannopoulou (Ευτυχία Παπαγιαννοπούλου), paroles.
Et une autre fois, plus récemment (1976), pour un duo avec Dionísis Savvópoulos (Διονύσης Σαββόπουλος), un chanteur de rock, ou de chanson contemporaine disons :
M’aeroplana kai batória (Μ’ αεροπλάνα και βαπόρια) / paroles et musique Dionísis Sabbópoulos (Διονύσης Σαββόπουλος).
Physique étonnant, la première fois que je l’aie vue j’ai cru que c’était un homme.
L. & L.
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Voir les articles sur le rebetiko et le bouzouki dans Wikipedia
Synnefiasméni Kyriakí figure sur Rembetika 4. Vassilis Tsitsanis, the postwar years 1946-1954, un coffret de 4 CD (Londres : JSP records, 2009. JSP 77123) disponible sur Amazon ou à la Fnac.
Si on recherche des enregistrements de musique grecque, le mieux est de visiter les sites des disquaires grecs, par exemple Nikos Xilouris à Athènes (je n’ai pas essayé).
Voir aussi : Le fado des étrangers. 4, La Grèce (3)
Publié dans Grèce, Le fado des étrangers Tagged: bouzouki, Eímai aitós horís fterá, Grèce, ρεμπέτικο, Βασίλης Τσιτσάνης, Είμαι αϊτός χωρίς φτερά, Μ' αεροπλάνα και βαπόρια, Μάνος Χατζιδάκις, Συννεφιασμένη Κυριακή, Σωτηρία Μπέλλου, μπουζούκι, M'aeroplana kai batória, Manos Hadjidakis, Mános Hatzidákis, rebetiko, Sotiría Béllou, Synnefiasméni Kyriakí, Vassílis Tsitsánis
